Quand il s'agit de Twitter, on parle beaucoup d’Elon Musk mais quasi jamais de ses véritables fondateurs. Pourquoi ? Parce que le réseau social à l'oiseau bleu est l’enfant d’une des pires trahisons de l’histoire de l’entrepreneuriat. La voici.
Bweeurg!
Noah prend un seau, il y vide ses tripes. Non seulement il vient de se faire virer de sa propre boîte, mais en plus son nom sera évincé de Twitter. De lui, tout doit disparaître.
Comme s’il n’avait jamais existé.
Ce qu’il y a de bien avec les réseaux sociaux c’est que l’Histoire n’est plus seulement écrite par les vainqueurs, mais par tout un chacun qui décide d’y prendre la parole. Alors voici l’origine de Twitter comme Twitter ne veut pas la raconter: avec Noah Glass comme protagoniste.
Un cerveau qui tourne à mille...
Noah, c’est le genre de pote hyper actif qui a toujours mille idées qui lui traverse l’esprit.
Un jour, il s’est fait arrêté par les flics pour comportement suspect. Ils étaient certains que le bonhomme avait pris des champis ou des amphétamines. Il avait juste bu trop de cafés.
Noah a été arrêté pour avoir été trop lui-même...
Et un voisin pas comme les autres.
Notre récit commence au début des années 2000 à San Francisco.
Noah est le voisin d’Evan Williams, dit Ev, un futur milliardaire de la tech. L’appartement d’Ev sert aussi de bureau à son équipe de codeurs. Ils travaillent sur un logiciel en ligne, appelé Blogger.
De son côté, Noah travaille seul et envie Ev. Les deux font vite connaissance, passent leurs soirées à boire des bières et parler business.
Ev finit par vendre Blogger à Google.
Le montant de la transaction est inconnu mais Ev empoche des millions de $.
Noah parle de son idée de startup: un service qui transformerait des messages vocaux en podcast via sms. Il demande à Ev d’investir.
Le nouveau millionnaire refuse, disant que le business flingue systématiquement l’amitié. Noah finit par le convaincre.
Calife à la place du calife.
Blogger a révolutionné le monde de l’édition. Odeo, la nouvelle société, va révolutionner le monde de la radio.
Les deux montent une équipe de codeurs, des anarchistes qui veulent changer le monde à force de 0 et de 1.
Un certain Biz rejoint l’équipe pour la partie développement produit. Il travaillait déjà pour Blogger mais depuis que la plateforme a été rachetée par Google, il ne s’y plaisait plus.
Il est suivi de Jack Dorsey, un geek fashionista qui sera le PDG de Twitter jusqu’à fin 2021.
L’équipe d’idéalistes n’est pas douée en business et le capital est vite érodé. Noah demande à Ev un renflouement de 200k$. Il accepte, à une condition: que Noah cède sa place de PDG à Ev. Pour Noah, le produit prime l’ego, alors le marché est conclu.
C’est le début de la fin.
Noah contre Goliath.
En 2005, Apple lance une plateforme de podcast sur iTunes.
Ce qui signe l’arrêt de mort d’Odeo. L’équipe est dépitée. Jack veut partir mais Noah le retient et l’invite à se mettre la tête à l’envers dans les bars de la ville.
C’est là qu’une idée de génie leur vient.
A 2h du matin, dans la voiture, Noah tente de consoler Jack, qui lui fait part de ses états d’âme. Il remarque qu’il n’existe aucune plateforme où on peut juste publier ce qu’on ressent. Et précise que ça fait un moment qu’il réfléchit à un concept d’état, de “status”.
Traçant le reste de la route seul, Noah repense à Jack, à l’échec d’Odeo, à sa relation ternie avec Ev et à son couple en crise. Il comprend alors l’intérêt du concept d’état: partager pour se sentir moins seul derrière nos écrans.
L'arche de Noah.
Les deux compères présentent leur idée au reste de l’équipe.
Ev y croit moyennement. Il refile la patate chaude à Noah, qui travaille jour et nuit sur le projet et le nomme Twitter. Ou twttr, puisqu’avant c’était la mode d’enlever les voyelles.
Le 21 mars 2006 à 11h50, Jack publie le 1er tweet de la jeune plateforme: just setting up my twttr.
Noah, trop excité, trop imprévisible, trop incontrôlable, va commettre l’erreur de trop lors d’une soirée en ville.
Om...merde!
Le cerveau embrumé d’éthanol, il parle à Om Malik, un gros blogueur tech présent à la soirée.
Il divulgue l’existence de Twitter, l’y inscrit et lui raconte toute l’histoire pour qu’il en parle sur son blog.
Ce qui sera fait le lendemain et fera officielle de CP... officiel.
Et forcément, c’est la version de Noah qui est racontée, celle où il est le héros.
Jack est furieux, Ev de même, qui lui demande ce qu’il doit faire avec Noah. La réponse de Jack est implacable: s’il reste, je m’en vais.
Une trahison double crème.
Un matin, Ev convoque Noah pour une promenade en ville.
Il le licencie sur-le-champ. Jamais Noah n’aurait pensé qu’en cédant sa place de PDG à Ev, ce dernier en profiterait pour le virer. L’estomac noué, il retourne au bureau prendre ses affaires.
Et vomit.
Le pire, c’est que ce soir-là, Jack et Noah vont sortir se la coller en ville. Quand Noah annonce à Jack qu’il a été viré, Jack feint la surprise. Les deux se laissent vers les 2h du matin.
Ce sera la dernière fois que Jack adressera la parole à Noah.
Les honneurs des uns font les horreurs des autres.
A ce stade, Twitter n’est qu’une promesse mais, sous l’impulsion que Noah lui a donné, est en pleine expansion.
Et quelques jours plus tard, Ev annonce publiquement que le nouveau PDG de Twitter est Jack Dorsey.
Noah est au plus mal.
En 2007, Twitter rafle le prix de la meilleure nouvelle startup au festival South by Southwest à Austin (l’équivalent des Oscars pour les geeks). Noah, présent dans le public, est convié à prendre place à côté d’Ev, de Jack et de Biz, mais pas sur scène.
Une année plus tard, Ev est invité chez Oprah et CNN et Ashton Kutcher se battent pour savoir qui arrivera au premier million de followers sur Twitter.
Un nom rayé de l'histoire, de la carte et du territoire.
La plateforme fait la une de tous les médias mais le nom de Noah Glass n’apparaît pas une seule fois.
En 2013, Twitter entre en bourse. En 2017, le réseau social réalise enfin ses premiers bénéfices. Et en 2021, la plateforme est rachetée par Elon Musk.
Encore une fois, dans tout ce tapage médiatique, le nom de Noah n’apparaît jamais.
Bref, le pire dans la trahison, c'est qu'elle ne vient jamais de l'ennemi mais toujours de l’ami.
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