David Ogilvy est la preuve vivante que la créativité est la compétence humaine la plus rémunératrice. A condition qu'elle résolve des problèmes. Et que ces problèmes soient de nature économique... Mais on s'égare.
En 1951, l'entreprise Guinness mandate le Maradona du marketing pour dribbler la concurrence et remporter le championnat du monde de vente de bières.
Affalé dans sa chaise, tirant sur sa pipe, Ogilvy trouve sa prochaine grande idée dans une volute de fumée: un guide Guinness de l'huître.
Résultat: l'une des pubs les plus célèbres du British et des ventes record pour la marque irlandaise.
Les marketeurs francophones ne mentionnent jamais cette pub. Elle illustre pourtant à merveille 3 principes psychologiques de persuasion.
Je vous mets l'originale ici et sa traduction intégrale en français en fin d'article. L'adaptation est le fruit de ma plume insomniaque. Elle est loin d'être parfaite, mais c'est un début.
1. N'ennuyez jamais le lecteur.
Quand je termine une page de vente, je suis totalement lessivé. Un besoin pressant de dormir m'envahit. Bien plus qu'un match de foot, un entraînement de boxe thaï ou toute autre activité sportive. Le pire, c'est quand je dois recommencer le lendemain. Rien de plus difficile que de répéter l'extraordinaire. Ne jamais être ennuyant: tel est le métier de rédacteur.
Quand on lit la pub d'Ogilvy, tous les passages contiennent des éléments de curiosité.
Cape Cod : une huître au goût superbe. Son ennemi principal est l’étoile de mer qui enveloppe l’huître de ses bras jusqu’à l’ouverture des valves. La lutte dure des heures, jusqu’à ce que l’étoile de mer puisse profiter d’un bon repas. Hélas, sans Guinness.
Ou encore...
La légende raconte qu’elles bâillent durant les heures nocturnes. Les singes le savent bien et s’arment de petites pierres. Quand l’huître émet un bâillement, ils placent un caillou entre les deux coquilles. Les huîtres sont à la merci de leur appétit.
Ou encore...
Les huîtres sont riches en fer, cuivre, iode, calcium, magnésium, phosphore, vitamine A, thiamine, riboflavine et niacine. Elles constituaient la quasi-totalité du régime de l’empereur Tibère.
Pour peu que notre palais s'intéresse au goût de l'huître, il est impossible d'ôter les yeux de la pub tant on apprend en anecdotes croustillantes.
2. Soyez utile... à cette condition.
Un jour, un journaliste a demandé à l'écrivain William Buckley Jr. quel livre il emporterait avec lui sur une île déserte. Il a répondu...
Un livre qui explique comment construire un bateau.
Les gens sont attirés par les informations utiles. D'où tous les articles de blog commençant par "comment faire pour ..."
Mais alors pourquoi ces articles sont si... ennuyants ? Parce que leur auteur n'a pas compris que pour être attirante, une information doit être nouvelle.
Ogilvy, lui, l'a compris. D'où l'idée d'un guide Guinness sur les différents types d'huîtres régionales, leur histoire et leurs spécificités.
3. Utilisez la stratégie des déclencheurs.
En 1997, le département des ventes de la barre chocolatée Mars s'étonne d'un pic de vente totalement inattendu.
Ce qui s'est passé, c'est que la NASA a envoyé une sonde spatiale sur Mars. Tous les journaux parlent de Mars - la planète - et les gens achètent plus de Mars - le "chocolat".
En 2005, l'équipe marketing de Kit-Kat est confrontée à une baisse constante des ventes.
Après une phase de recherche, on remarque que la barre chocolatée est le plus souvent consommée durant les petites pauses au travail.
Qu'est-ce qu'on consomme encore plus pendant les pauses ? Un café. L'équipe tient alors le prochain slogan: Kit-Kat et café.
Dans l'année en cours, les ventes doublent.
C'est un peu ce qu'a fait Ogilvy. Plutôt que de grappiller quelques ventes sur les sorties au bar ou les soirées match-TV en dépensant un gros montant pub, il a l'idée de créer une association inexplorée par les autres marques: Guinness et huîtres.
Attention: aux USA, la consommation d'huîtres est courante et est souvent accompagnée d'une bonne bière fraîche. Tout ce qu'a fait Ogilvy, c'est de se servir d'un désir existant pour le diriger vers la marque en question.
Bref, du génie.
Loris. Copywriting français.
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P.S.: voici la traduction complète quoiqu'imparfaite du guide.
Le guide Guinness de l’huître.
Cape Cod : une huître au goût superbe. Son ennemi principal est l’étoile de mer qui enveloppe l’huître de ses bras jusqu’à l’ouverture des valves. La lutte dure des heures, jusqu’à ce que l’étoile de mer puisse profiter d’un bon repas. Hélas, sans Guinness.
Greenport : ces huîtres ont un goût salé naturellement. Elles ont fait le succès des baleiniers qui les expédiaient jadis directement de Greenport. Les huîtres sont riches en fer, cuivre, iode, calcium, magnésium, phosphore, vitamine A, thiamine, riboflavine et niacine. Elles constituaient la quasi-totalité du régime de l’empereur Tibère.
Osyter Bay : les huîtres d’Oyster Bay sont de tailles moyennes et protégées par une lourde coquille. La légende raconte qu’elles bâillent durant les heures nocturnes. Les singes le savent bien et s’arment de petites pierres. Quand l’huître émet un bâillement, ils placent un caillou entre les deux coquilles. « Les huîtres sont à la merci de l’appétit des singes. »
Nouvelle-Orléans : c’étaient les huîtres préférées de Jean Lafitte. Elles sont maintenant utilisées dans la recette des huîtres à la Rockefeller. On ne trouve pas de perles dans les « ostrica virginica », la famille à laquelle appartiennent les huîtres de la côte Est.
Tangier : c’est l’une des huîtres les plus douces et les plus délicieuses. Elle provient de la rive droite de Maryland. Pocahontas préparait des Tangiers au capitaine John Smith. D’où la découverte qu’elles s’accompagnent le mieux d’une Guiness, qui a d’ailleurs depuis toujours été considérée comme le complément idéal de n’importe quel fruit de mer.
Bluepoint : ces délicieuses petites huîtres du grand sud rappellent les anglaises, à propos desquelles Disraeli écrivait : « mon dîner… ou plutôt mon souper au Carlton était essentiellement composé d’huîtres, de Guiness et d’os grillés. Je suis ensuite allé me coucher à minuit et demi. Terminant de la sorte le jour le plus remarquable de toute ma vie. »
Lynnhaven : ces huîtres géantes étaient les préférées de Diamond Jim Brady. Là-bas, il y a plus de pêcheurs occupés à pêcher l’huître que tout autre fruit de mer. A Damariscotta dans le Maine, 3 millions de coquillages d’huîtres forment un monticule unique, fruit de l’appétit de tous les « Brady » de la préhistoire.
Chincoteague : Nombre d’épicuriens considèrent les Chincoteagues comme les aristocrates de la tribu des huîtres, bien que des fins gourmets de la côte Ouest leur préfèrent les huîtres plates du Pacifique, à peine plus grandes que votre pouce. Tant les Chincoteagues que les huîtres plates du Pacifique se marient divinement avec une Guinness.
Toutes les huîtres sont encore meilleures quand elles sont dégustées avec une bonne Guinness – que le professeur Saintsburry appelait dans « Notes dans un livre de cave » « cette liqueur noble – le plus beau des malts noirs. » La plupart du malt utilisé pour brasser la Guinness vient des terres fertiles d’Irlande du Sud, et la levure vient de celle utilisée par Guinness à Dublin il y a 190 ans.
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